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Portrait de leader

Équilibriste exemplaire

Isabelle Dionne
Isabelle Dionne
Photo : Michel Caron

1 mai 2008

Karine Bellerive

«Un esprit sain dans un corps sain.» Cette maxime du poète latin Juvénal, auteur des célèbres Satires, reflète magnifiquement la nature et les préoccupations d'Isabelle Dionne. Professeure à la Faculté d'éducation physique et sportive et chercheuse au Centre de recherche sur le vieillissement de l'Institut de gériatrie de Sherbrooke, elle réussit à créer un parfait équilibre entre occupations professionnelles, activité physique et vie familiale.

Dynamique et lumineuse, Isabelle Dionne parle d'abord avec passion de son travail. Convaincue qu'il est possible de prévenir, grâce à un programme d'exercices adéquat et à une bonne alimentation, plusieurs changements physiologiques liés au vieillissement, elle convainc ses patrons de la Faculté de la laisser se concentrer sur cette problématique. «Je suis parfaitement consciente de cette immense liberté qu'ils me donnent, et je leur en suis très reconnaissante», affirme la jeune femme, qui a intégré le Centre de recherche sur le vieillissement en 2001. La confiance qui lui est témoignée est payante puisque les résultats de ses recherches servent tout à fait l'objectif de la Faculté, soit d'apporter des solutions concrètes à divers problèmes rencontrés par les professionnels des milieux de la santé et de l'activité physique.

Audace et innovation

«Quand je suis arrivée, mon domaine était assez peu exploré, raconte-t-elle. À cette époque, il y avait un genre de tabou concernant l'exercice physique chez les personnes âgées. On avait l'impression qu'il fallait les ménager.» Pour sa part, au terme d'un stage postdoctoral effectué au Département de médecine de l'Université du Vermont pendant lequel elle réalise une étude clinique chez les femmes obèses ayant un profil métabolique normal, Isabelle Dionne croit fermement le contraire. «On les faisait travailler très fort et on obtenait des gains importants, souligne-t-elle. Les principes de base qui guident l'entraînement des athlètes peuvent tout à fait s'appliquer aux personnes âgées, bien que l'on soustraie évidemment toute la question de la performance.»

La chercheuse a donc bâti un programme d'entraînement spécifique visant à prévenir différentes affections liées au processus de vieillissement, telles que la diminution de la masse musculaire (sarcopénie). «Notre but, c'est de préparer les personnes âgées à mieux vieillir, explique-t-elle. Il y a tellement de choses qu'on peut faire. Il est incontestable que l'exercice n'apporte que des bienfaits.» Elle affirme par ailleurs qu'il n'est jamais trop tard pour commencer : «Lorsque les gens s'y mettent, même à 65 ou à 70 ans, ils y voient des bénéfices.»

Isabelle Dionne peut d'ailleurs le constater quotidiennement puisqu'une centaine de Sherbrookois prennent part à ses recherches chaque année. Les participants se rendent au Centre de recherche pour y suivre un entraînement supervisé par des stagiaires ou des étudiants des cycles supérieurs du programme de kinésiologie de l'UdeS. À ce sujet, la chercheuse raconte une anecdote révélatrice : la salle de conditionnement physique de l'Institut universitaire de gériatrie n'étant accessible qu'aux employés et aux bénévoles, plusieurs anciens participants se sont inscrits comme bénévoles pour pouvoir continuer à en profiter. «Ils deviennent accros, dit-elle. En plus de ressentir les bienfaits de l'activité physique sur leur vie, ils développent leur réseau social.» Et le mot se passe dans la communauté puisque certaines personnes appellent d'elles-mêmes pour participer aux recherches. On peut donc présumer que les travaux d'Isabelle Dionne contribuent à faire augmenter le taux d'activité physique chez les personnes âgées de la région!

Ouverture et collaboration

L'équipe de la Faculté d'éducation physique et sportive à la course de relais de 117 km TATV à Memphrémagog, en septembre 2007.
L'équipe de la Faculté d'éducation physique et sportive à la course de relais de 117 km TATV à Memphrémagog, en septembre 2007.

La chercheuse insiste toutefois sur un point qu'elle juge primordial : ces réalisations sont bonifiées par la collaboration entre des collègues issus de différentes disciplines. Selon elle, l'interdisciplinarité leur permet d'explorer de nouvelles avenues et d'élargir leurs horizons. Il s'agit en fait de confronter des notions fondamentales, reliées à la biologie moléculaire et à la biologie cellulaire, par exemple, aux études cliniques. «Ça nous aide, d'une part, à mieux comprendre les mécanismes physiologiques en cause dans le vieillissement et, d'autre part, à voir concrètement en quoi l'activité physique a un impact sur la santé», dit-elle.

Ce contexte de travail, qui réunit un lot de chercheurs aux préoccupations diverses, contribue vraisemblablement à l'avancement des connaissances. «C'est très stimulant, affirme Isabelle Dionne. Ici, il n'y a que des gens intéressés par la recherche. Je dis souvent qu'il n'y a rien d'aussi efficace qu'une discussion de corridor pour trouver des solutions.»

Conciliation travail-famille

Isabelle Dionne
Isabelle Dionne
Photo : Michel Caron

Son penchant pour le travail d'équipe lui sert également dans sa vie personnelle. Mère de trois fillettes de deux, six et neuf ans, Isabelle Dionne partage entièrement ses responsabilités familiales avec son conjoint. Elle avoue cependant que la conciliation travail-famille ne va pas nécessairement de soi. «Il faut dire que mon conjoint est très présent, note-t-elle. Mais il faut avoir la tête dure. Il faut parfois savoir dire non.» Ainsi, elle prend soin de réserver du temps pour sa vie de famille. Pour elle, l'heure du souper et la fin de semaine sont des moments sacrés.

«En contrepartie, quand on est au travail, il faut être productif», précise-t-elle. Pour y arriver, elle dîne la plupart du temps dans son bureau. Environ une fois par semaine, elle se pointe au Centre de recherche à 5 h du matin. «C'est colossal tout le travail que je peux abattre entre 5 h et 8 h, lorsqu'il n'y a personne et que je n'ai pas à répondre au téléphone», dit la chercheuse. Appliquant les judicieux conseils qu'elle prône, elle trouve même le temps d'aller s'entraîner au moins trois fois par semaine!

Loin de la contraindre, cette vie bien remplie la satisfait pleinement. «Ce n'est pas difficile, conclut-elle. Honnêtement, je ne me sens pas coincée entre mon travail et ma famille. J'ai de beaux succès, mes étudiants obtiennent des bourses, je publie... Je veux faire avancer les connaissances. Pour cela, il faut travailler fort, être innovateur et savoir s'entourer des bonnes personnes. Mais je ne fais pas tout cela parce que je veux être une leader. Je le fais parce que j'ai du plaisir.»